Se lever de très bonne heure un dimanche est une habitude pour les coureurs. Et sous la pluie et l’extrême fraîcheur d’un mois de mai automnal. Mais avec le plaisir de croiser 10 000 autres fous furieux à l’occasion des courses de Strasbourg.

Je vais affronter mon deuxième semi. Mais j’ai la boule au ventre. Je n’ai pas bien dormi. J’ai repensé à mon premier semi, aux images mentales construites pour m’aider lorsque j’étais définitivement seule dans la campagne alsacienne sans lièvre pour me pousser. J’ai une horloge qui fait tic-tac et me rappelle que le chrono doit être amélioré. C’est presque une devise : il faut toujours faire mieux et courir plus vite.

La veille, j’ai hésité entre speedstar et cumulus, poche à eau ou bidon. Je ne me suis trompée qu’à moitié.

Toute de noir vêtue, je me retrouve sur la ligne de départ au milieu d’un flot de coureurs qui partagent un moment d’émotion en respectant une minute de silence en mémoire du drame du marathon de Boston.

Mon coach d’amour me l’a rappelé : mon objectif c’est 2h06mn. Pour y parvenir, je dois assurer 6mn au kilomètre et réaliser le 10 km en une heure.

Mais la cohue du départ ralentit mon programme et m’oblige à slalomer ou éviter les groupes qui ne peuvent se séparer. Je fais 6’23 au premier kilomètre. Très rapidement les groupes se forment. J’ai la chance unique d’avoir deux lièvres ou plutôt trois : une jeune femme au tee-shirt blanc du club de Fenetrange et deux femmes en bleu. Leur allure régulière me guide. Dès le 5^ème km, j’ai mal aux genoux. L’amorti des Speedstar n’est pas suffisant pour cette distance. C’était le mauvais choix. Mais la douleur est une compagne à laquelle on s’habitue.

La beauté des paysages, la foule des coureurs et les spectateurs enthousiastes effacent les kilomètres qui s’égrènent.

7km et c’est un tiers du parcours, 14 km et on a franchi 2/3 en changeant de terrain puisqu’on arrive à la Robertsau avec ses sols boueux mais quelque peu réconfortants pour mes articulations. Moins réconfortant mais le tracé du parcours en forme de boucle qui ici permet aux moins rapides de croiser les fous furieux dont l’on voit les grandes foulées faciles.

Je ne m’arrête pas aux ravitaillements car j’ai avec moi mon bidon de sirop de citron, des amandes, des abricots secs et un gel en cas de coup dur. Au final, je n’ai consommé que deux amandes et deux abricots secs.

Je passe le 16 ème et le 17 ème kilomètre sans affronter le mur. Je me sens bien, oubliant presque toutes les douleurs qui n’en sont plus mais qui ne sont que les stigmates d’un corps qui fournit un effort conséquent.

On revient en ville et on retrouve le monde, le bruit et les applaudissements. Je sélectionne la musique qui convient pour affronter le 18 ème et 19 ème kilomètre. Je consulte ma Garmin sans arrêt non pas pour vérifier mon temps mais pour vérifier la distance. Je vais vite et réalise que j’accomplis un negative split.

Au 20 ème kilomètre, on croise la ligne de départ du 10 km et les coureurs prêts à en découdre. Je cherche mon compagnon parmi tous les hommes qui portent des tee-shirt de couleur et il est là et m’encourage. J’ai les larmes aux yeux et les sanglots gênent ma respiration.

Je me reconcentre. La partie la plus redoutable est devant moi et ces centaines de mètres redoutables car en montée jusqu’à l’arrivée et
c’est long. Je suis toujours derrière la jeune fille au tee-shirt blanc qui est une sacrée compétitrice car elle n’aura jamais voulu se faire distancer.

Dans un dernier effort, elle me pousse et je franchis la ligne d’arrivée en 2h04.

Ce deuxième semi m’a rassuré. Courir un semi est un pari. Réitérer l’expérience est une performance. Entre les deux, je n’ai pas beaucoup couru parce que je jongle entre mes problèmes de semelle, de chaussures et mon Morton. Je n’ai pas encore trouvé ma chaussure idéale pour les longues distances et celle qui me permettra de me lancer sur un marathon.

C’est la deuxième fois que j’en parle. Peut-être qu’un jour…

Mon second semi 12 mai 2013

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